Medardo Rosso

L’invention de la sculpture moderne

NEUBAU / 29.03.–10.08.2025 / Commissaires : Heike Eipeldauer, Elena Filipovic

Sculpteur, photographe et maître de la mise en scène, concurrent d’Auguste Rodin et modèle pour de nombreux·ses artistes, Medardo Rosso (1858 à Turin, Italie–1928 à Milan, Italie) a révolutionné la sculpture vers 1900. Malgré son influence considérable, l’artiste italo-français n’est guère connu aujourd’hui. L’exposition Medardo Rosso. L’invention de la sculpture moderne entend y remédier. Cette rétrospective d’envergure au Kunstmuseum Basel offre une rare occasion de découvrir la production de Rosso à travers quelque 50 œuvres plastiques et près de 250 photographies et dessins. Elle propose d’en apprendre davantage sur son œuvre pionnière qu’il réalisa à Milan et à Paris au tournant du siècle, mais aussi sur la portée contemporaine de son art, et offre en même temps la base pour redécouvrir l'histoire de la sculpture moderne.

Fruit d’une coopération avec le mumok (Museum moderner Kunst Stiftung Ludwig Wien), l’exposition, dont le commissariat est assuré conjointement par Heike Eipeldauer et Elena Filipovic, permet de comprendre les recherches radicales et transmédiales menées par Rosso sur la forme (ou l’absence de forme), la matière et la technique. L’impact colossal de sa production artistique, toujours perceptible aujourd’hui, se manifeste dans le dialogue avec des œuvres d’art de plus de 60 artistes des cent dernières années, parmi lesquel·les Lynda Benglis, Constantin Brâncuși, Edgar Degas, David Hammons, Eva Hesse, Meret Oppenheim, Auguste Rodin et Alina Szapocznikow.

« Rien n’est matériel dans l’espace. »

Medardo Rosso

Medardo Rosso dans son atelier du boulevard des Batignolles, 1890, tirage du négatif sur verre original , 13 × 17,7 cm, © Archivio Medardo Rosso

Medardo Rosso dans son atelier du boulevard des Batignolles, 1890, tirage du négatif sur verre original , 13 × 17,7 cm, © Archivio Medardo Rosso

Vingt ans après la première et dernière rétrospective en Suisse, la vaste exposition Medardo Rosso. L’invention de la sculpture moderne met en évidence l’approche expérimentale et transmédiale de Medardo Rosso. L’exposition réunit près de 50 sculptures en bronze, plâtre et cire de l’artiste, parmi lesquelles des pièces emblématiques, ainsi que des centaines de photographies et de dessins. Ces dernières décennies, nombre de ces œuvres n’étaient guère visibles hors d’Italie.

Selon le principe de mise en regard, comme le pratiquait également Rosso, l’exposition présente son œuvre en « conversation » avec plus de 60 photographies, peintures, sculptures et vidéos anciennes et contemporaines. Il en résulte des dialogues transgénérationnels d’artistes de l’époque de Rosso jusqu’à aujourd’hui, parmi lesquel·les Francis Bacon, Phyllida Barlow, Louise Bourgeois, Isa Genzken, Alberto Giacometti, Robert Gober, David Hammons, Hans Josephsohn, Yayoi Kusama, Marisa Merz, Bruce Nauman, Senga Nengudi, Richard Serra, Georges Seurat, Paul Thek, Rosemarie Trockel, Hannah Villiger, Andy Warhol, Francesca Woodman et d’autres (voir liste ci-jointe). Comparativement à l’exposition viennoise, l’édition bâloise présente, en outre, des œuvres d’Umberto Boccioni, Miriam Cahn, Mary Cassatt, Marcel Duchamp, Peter Fischli / David Weiss, Felix Gonzalez-Torres, Sidsel Meineche Hansen, Henry Moore, Meret Oppenheim, Simone Fattal, Giuseppe Penone, Odilon Redon, Pamela Rosenkranz, Kaari Upson, Andra Ursuţa et Danh Vō.

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L’exposition commence dès la cour intérieure du Hauptbau où Les Bourgeois de Calais de Rodin (1884–1889) est mis en regard avec un travail de Pamela Rosenkranz. Le parcours mène du Hauptbau au Neubau par la liaison souterraine où est installé un ample travail de Kaari Upson. C’est ici, au rez-de-chaussée, que commence l’exposition avec une présentation monographique d’œuvres de Rosso. L’exposition se poursuit au deuxième étage à travers les mises en regard avec des œuvres d’autres artistes.

Artistes exposé.es

Medardo Rosso avec

Giovanni Anselmo (1934–2023)
Francis Bacon (1909–1992)
Nairy Baghramian (*1971)
Olga Balema (*1984)
Phyllida Barlow (1944–2023)
Lynda Benglis (*1941)
Umberto Boccioni (1882–1916)
Louise Bourgeois (1911–2010)
Anton Giulio Bragaglia (1890–1960)
Constantin Brâncuși (1876–1957)
Miriam Cahn (*1949)
Eugène Carrière (1849–1906)
Paul Cézanne (1839–1906)
Giorgio de Chirico (1888–1978)
Edgar Degas (1834–1917)
Jean Dubuffet (1901–1985)
Marcel Duchamp (1887–1968)
Raymond Duchamp–Villon (1876–1918)
Luciano Fabro (1936–2007)
Simone Fattal (*1942)
Peter Fischli (*1952)
Loïe Fuller (1862–1928)
Isa Genzken (*1948)
Alberto Giacometti (1901-1966)
Robert Gober (*1954)
Felix Gonzalez-Torres (1957–1996)
David Hammons (*1943)
Eva Hesse (1936–1970)
Jasper Johns (*1930)
Hans Josephsohn (1920–2012)
Ellsworth Kelly (1923–2015)
Käthe Kollwitz (1867–1945)
Yayoi Kusama (*1929)
Maria Lassnig (1919–2014)
Sherrie Levine (*1947)
Matthijs Maris (1839–1917)
Sidsel Meineche Hansen (*1981)
Marisa Merz (1926–2019)
Amedeo Modigliani (1884–1920)
Henry Moore (1898–1986)
Robert Morris (1931–2018)
Juan Muñoz (1953–2001)
Bruce Nauman (*1941)
Senga Nengudi (*1943)
Meret Oppenheim (1913-1985)
Giuseppe Penone (*1947)
Carol Rama (1918–2015)
Odilon Redon (1840–1916)
Auguste Rodin (1840–1917)
Pamela Rosenkranz (*1979)
Richard Serra (1938–2024)
Georges Seurat (1859–1891)
Erin Shirreff (*1975)
Edward Steichen (1879–1973)
Alina Szapocznikow (1926–1973)
Paul Thek (1933–1988)
Rosemarie Trockel (*1952)
Kaari Upson (1970–2021)
Andra Ursuţa (*1979)
Hannah Villiger (1951–1997)
Danh Vō (*1975)
Andy Warhol (1928–1987)
Rebecca Warren (*1965)
David Weiss (1946–2012)
Francesca Woodman (1958–1981)

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Salles

Salle Rez-de-chaussée: Photographie

En 1905, le critique d’art Ludwig Hevesi décrit Medardo Rosso comme le créateur d’une « sorte de photo-sculpture », faisant là allusion aux qualités évanescentes et floues de ses formes. Compte tenu de son goût pour le fugitif, il était presque inévitable que Rosso s’intéresse aussi profondément à la photographie.

Fait inhabituel pour son époque, Rosso a fait de la photographie un élément central de son processus plastique. Contrairement à Auguste Rodin, qui engageait des photographes de renom pour documenter et promouvoir ses œuvres de manière spectaculaire, Rosso insistait pour prendre ses propres photos. Les images singulières, souvent très petites, recadrées et collées, attestent des interventions expérimentales de Rosso à l’intérieur et à l’extérieur de la chambre noire. À partir de 1900, il utilise la photographie non seulement pour mettre en scène ses sculptures, mais aussi pour tester comment différents angles, éclairages ou cadrages en modifiaient la perception. Il ajustait les moulages en conséquence, puis photographiait les nouveaux résultats. Par sa façon de la manier, la photographie devient à la fois un témoignage et un catalyseur de transformation.

En 1902, Rosso commence à exposer ses photographies aux côtés de ses sculptures, voyant là bien plus qu’une simple documentation. Sur les 500 photographies connues qu’il a créées et mises en circulation, environ la moitié est présentée ici, sous forme de tirages historiques annotés, de négatifs sur verre et de tirages réalisés ultérieurement à partir de ses originaux.

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Salle Rez-de-chaussée: Disposition

Pour Medardo Rosso, l’acte de sculpter n’était qu’un pan de la création ; le soin de la mise en scène lui importait tout autant. Au milieu de cette salle, un choix de sculptures est présenté sur les socles historiques privilégiés par l’artiste, dont les gabbie (« cages » en italien), ou vitrines en verre, qu’il utilisait pour encadrer ses œuvres. Pour Rosso, c’était là une manière de définir l’air et l’espace alentour comme faisant partie de la sculpture. Sa vie durant, il a prôné des vues de face très contrôlées et des perspectives spécifiques, il en refusait délibérément d’autres, laissant rarement voir le dos des sculptures. La disposition dans cette salle va donc volontairement à l’encontre de son approche. Ici, la rencontre plus ouverte avec ses œuvres, visibles sous tous les angles, révèle les traces de son processus, met en avant la matérialité et offre un accès sans entrave à la radicalité des formes.

Les présentations de Rosso frappaient aussi par d’autres singularités. Ses photographies témoignent de son goût pour la présentation de sculptures en groupes serrés, à des hauteurs variées, et dans des dialogues soigneusement orchestrés avec d’autres œuvres (les siennes comme celles d’autrui). Selon ces principes-là, son Portrait d’Henri Rouart (1890) est exposé ici aux côtés du Torse (1878–1879) d’Auguste Rodin et des Cinq baigneuses (1885 ou 1887) de Paul Cezanne, reflétant des juxtapositions que Rosso avait explorées en son temps. À l’étage, ses sculptures jouxtent des œuvres de ses contemporain·es mais aussi d’artistes actuel·les, pour insister sur l’importance du dialogue et de la mise en scène, et souligner plus encore la modernité durable de son art.

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Salle 1: Répétition et variation

À partir de la fin des années 1890, Medardo Rosso revient sans cesse à un répertoire d’une quarantaine de motifs sculpturaux. Jusqu’à sa mort, il les réinvente, il en coule de nouvelles variantes, retravaille les surfaces, les photographie, puis recommence. Pour ce faire, il utilise diverses techniques de reproduction et effectue souvent lui-même le moulage plutôt que de le confier à une fonderie. Les nombreuses variations vont à l’encontre de l’idée d’une version unique et définitive de l’œuvre.

La sculpture la plus reproduite de Rosso, Enfant juif (1893), en est l’illustration parfaite. Bien que moulée mécaniquement, chaque version présente d’infimes écarts de matériau, de couleur, de surface, de regard et d’inclinaison, transformant ce qu’un autre artiste aurait traité comme un objet sériel en une série d’œuvres d’art uniques. Le résultat brouille la frontière entre original et copie, chaque sculpture dégage son aura propre.

Des dizaines d’années plus tard, des mouvements comme le Pop Art, le Minimal Art et l’Appropriation Art revisiteront ces notions-là. Ici, les méditations d’Andy Warhol et de Sherrie Levine sur la reproduction de masse partagent l’espace avec six versions de l’Enfant juif ainsi que le moule de Sidsel Meineche Hansen pour une figure de dévotion destinée à être reproduite à l’infini. Chacune évoque de manière différente la tension entre singularité et sérialité.

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Salle 2: Anti-monumentalité

Medardo Rosso considérait la sculpture non pas comme fixe et monumentale, mais comme fugitive et changeante. Il rompt radicalement avec la tradition européenne de son époque et rejette la permanence au profit de l’éphémère, la grandeur au profit de l’intimité. Ses personnages sont petits, ils semblent passagers et vulnérables – l’antithèse des monuments héroïques de ces temps-là. C’est ce que corrobore leur matérialité : Rosso préfère la cire et le plâtre qui n’étaient généralement utilisés que pour les modèles préparatoires. Doux et fragiles, ils défient les prétentions à la durabilité et à la puissance de la sculpture monumentale.

Les sujets de Rosso refusent aussi d’exalter : pas de souverain·es, pas de figures illustres, mais bien plutôt la classe ouvrière, des sans-emploi, des laissé·es pour compte. Il s’agit là d’un rejet discret mais radical du rôle historique de la sculpture comme instrument de glorification du pouvoir.

L’héritage de Rosso a perduré. La représentation presque simultanée par Edgar Degas d’un jockey tombé, la déesse irrégulière et informe de Simone Fattal ou encore le poteau d’acier en équilibre précaire de Richard Serra font écho à la manière dont Rosso a sapé les idées dominantes. Rosso n’avait pas besoin d’une chute au sens littéral ; ses figures vacillent sur les bords, comme si la solidité elle-même n’était plus.

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Salle 3: Processus et performance

Tout au long de sa carrière, Medardo Rosso s’éloigne de plus en plus de l’idée d’œuvre
« finie » et se concentre plutôt sur le geste de production, le matériau et le processus de la création artistique, laissant empreintes digitales, marques de couteau, jointures et même fissures accidentelles – non pas comme des défauts, mais comme les traces lisibles de la sculpture en devenir. Au lieu de faire appel à des fonderies comme la plupart de ses contemporain·es, Rosso s’est mis à couler lui-même, allant jusqu’à organiser d’impressionnantes séances de moulage devant des personnes invitées dans son atelier.

L’intérêt répété de Rosso pour les personnages rieurs, par exemple, témoigne de son désir de capturer même les gestes les plus fugaces. Il a non seulement sculpté le rire, mais mis aussi en mouvement à travers des séquences photographiques. Cette technique anticipe d’ailleurs la dynamique vacillante des photographies d’Anton Giulio Bragaglia montrées ici. La tension du mouvement en suspens imprègne la forme torsadée de Giovanni Anselmo, dans laquelle une masse lourde est maintenue dans une torsion extrême par une force contenue. Un même jeu de tension et de détente façonne les sculptures en nylon et sable de Senga Nengudi, qui, tels des corps en mouvement, s’étirent, s’affaissent et cèdent sous leur propre mouvement. Ces œuvres sont au cœur des performances que Nengudi a commencé à mettre en scène dans les années 1970.

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Salle 4: Toucher, étreindre, façonner

Aetas aurea (Âge d’or, 1886) de Medardo Rosso montre l’épouse de l’artiste embrassant tendrement leur fils. Dans les différentes versions moulées et photographies, le rapport entre eux ainsi qu’à l’espace change : tantôt la mère et l’enfant se confondent, tantôt ils semblent se dissoudre dans ce qui les environne. C’est là un effet que Rosso a exploré à maintes reprises. Si l’on regarde de plus près, on aperçoit la main de la mère et son pouce appuyant doucement sur la joue de l’enfant – un geste reflétant le toucher du sculpteur modelant sa matière.

Des œuvres d’autres artistes visibles ici montrent clairement que le toucher est plus qu’un geste artistique : il agit comme une force qui érode les frontières entre artiste et médium, parent et enfant, contenu et forme. Les assemblages éphémères de Phyllida Barlow, façonnés la nuit et inspirés par le toucher de ses enfants alors petits, n’existent que sous forme de documentation photographique. Le parent et l’enfant cousus en tissu par Louise Bourgeois, enlacés dans une étreinte suffocante, transforment l’intimité maternelle en un enchevêtrement sculptural. Et avec le moulage sur le vif de son fils par Alina Szapocznikow, la caresse devient une empreinte obsédante. Qu’elles soient cousues, moulées ou modelées, ces œuvres rendent tangibles de manière troublante le toucher et l’« attention » parentale.

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Salle 5: Apparition et disparition I

Une préoccupation permanente de Medardo Rosso a été de capturer la fugacité de l’instant. Pour ce faire, il a expérimenté la disposition et l’éclairage, et souvent recouvert de cire translucide ses sculptures en plâtre, afin qu’elles semblent changer de forme selon les regards qui se déplacent. Mais c’est sans doute dans la photographie qu’il a exploré le plus à fond le caractère insaisissable de la perception.

Ecce Puer (1906), le dernier motif créé par Rosso, rend cette notion de transition particulièrement tangible. Dans quelque matériau que ce soit, son visage apparaît éthéré, davantage suggéré que défini. Sur les photographies, le flou perturbe encore plus ses contours, la lumière agissant elle-même comme un voile. Ce jeu d’apparition et de disparition atteint son expression la plus radicale avec Madame X (1896 ?), représentée ici par les photographies de la sculpture prises par Rosso et l’hommage vidéo réalisé par Erin Shirreff en 2013. Créée à partir de 132 images fixes enregistrant les changements de lumière sur une photo de Madame X, la vidéo transpose la sculpture en un jeu versatile d’ombre et de luminosité, comme le reflet de cette dissolution formelle fondamentale pour son art.

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Salle 6: Apparition et disparition II

Dans les mains de Medardo Rosso, la représentation est insaisissable. La lumière remodèle les bords abrupts et les matériaux non polis de ses sculptures, tandis que les ombres troublent davantage encore leurs contours. Les visages émergent à peine pour presque aussitôt être à nouveau flous et en retrait. Le sculpteur Constantin Brâncuși, qui a probablement découvert l’œuvre de Rosso pour la première fois lors d’une exposition en 1904 à Paris, a décelé en lui un précurseur essentiel. Même si les surfaces brutes de Rosso peuvent sembler en contradiction avec les formes épurées de Brâncuși, Rosso a su montrer comment la sculpture pouvait se dissoudre dans l’espace plutôt que simplement l’occuper, et aussi comment la photographie pouvait être une extension de la forme sculpturale.

L’idée d’une forme au bord de la désintégration, réelle ou perceptuelle, a été reprise à travers différentes générations et contextes. David Hammons suggère ainsi une tête noire, à la limite entre abstraction et identification, en apposant sur une pierre des cheveux coupés d’un salon de coiffure de Harlem, New York. Cette économie formelle rappelle Rosso et Brâncuși, tout en contrecarrant l’appropriation de l’art africain par l’art moderne. Felix Gonzalez-Torres, pour sa part, a imprégné son travail des notions de perte et de renouvellement : un tas de bonbons, évoquant le corps de son compagnon atteint du sida, change perpétuellement de forme, au fur et à mesure que les visiteur·ses y puisent et que le musée le réapprovisionne.

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Salle 7: Mise en scène

Et si la manière d’encadrer l’art changeait notre expérience de celui-ci ? Medardo Rosso était convaincu que rien n’existe de manière isolée ; il a donc non seulement conçu un environnement plus large autour de ses œuvres, mais il a aussi minutieusement établi les conditions de leur présentation. Ainsi a-t-il souvent disposé ses sculptures sous des cloches en verre spécialement fabriquées sur des socles en bois (comme on peut en voir au rez-de-chaussée). C’était un moyen à la fois de protéger et de mettre en scène ses objets, comme dans un décor intime définissant les limites visuelles et guidant le regard. Pour Rosso, la mise en scène était une part essentielle du sens de son travail.

Par la suite, cette approche de Rosso a été reprise par des artistes qui ont également intégré le cadre dans leur œuvre. Francesca Woodman s’est circonscrite à plusieurs reprises dans l’architecture et le mobilier, pour que l’espace et sa propre figure fusionnent avant de « figer » l’image sous forme de photographie. Paul Thek a fait de l’encadrement un énoncé artistique en scellant ses étranges répliques sculpturales de viande crue dans des vitrines, à la manière dont Rosso tentait d’enfermer des formes changeantes et amorphes. Marcel Duchamp, quant à lui, a construit des valises portatives qui constituent des rétrospectives miniatures de son œuvre. Tout comme Rosso, il postulait que le contexte façonne le contenu.

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Salle 8: Informe I

« Gazeuses » : c’est ainsi qu’un critique qualifiait avec justesse les sculptures de Medardo Rosso, malgré leur présence physique imposante. Pour Rosso, la matérialité est au cœur de l’œuvre, même s’il cherche à dissoudre de la forme. Ses sculptures ne sont jamais complètement résolues : si elles gardent leur cohérence pendant un moment, elles tendent inévitablement vers la désinté-gration. C’est le cas de Portinaia (Gardienne, 1883–1884) et Madame Noblet (1897), dont les côtés modelés « finis » semblent aussi rugueux et informes que le dos de ses autres sculptures. Son Malato all’ospedale (Malade à l’hôpital, 1889) va encore plus loin. L’utilisation de la cire, traditionnellement associée aux masques mortuaires ou à la chair embaumée, renforce le sentiment de mortalité et de fugacité.

À partir des années 1960, l’informe imprègne le travail d’artistes comme Isa Genzken, Yayoi Kusama, Robert Morris, Carol Rama ou Alina Szapocznikow. Chacun·e, à sa manière, met la sculpture à l’épreuve dans sa capacité à suggérer des corps en mouvement – souples, indolents, potentiellement repoussants et, en fin de compte, instables.

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Salle 9: Informe II

Pour Medardo Rosso, le dessin ne constituait pas une étape préparatoire, mais plutôt le moyen d’approfondir les questions de sculpture et de photographie qui l’animaient. Dans ses dessins petit format, il se souciait moins d’un rendu précis que d’impressions fugaces de lieux, de figures, de formes. Il les dessinait sommairement avec des traits rapides et irréguliers sur des cartes d’invitation, des enveloppes ou des menus. Pour souligner l’importance à ses yeux de ces pièces prétendument secondaires, Rosso les photographiait et les intégrait dans ses expositions.

Dans l’œuvre de Rosso, le côté nébuleux empêche toute description claire, quel que soit le support. Prenons l’exemple d’Enfant au sein (1890), l’une de ses sculptures les plus radicales. Les deux seules versions en bronze qu’il a réalisées, toutes deux présentées ici, font référence au motif intemporel de la mère et de l’enfant, mais elles vont presque jusqu’à absorber les personnages dans une masse indistincte. Ce n’est qu’au deuxième coup d’œil que l’on peut discerner la tête de l’enfant, blottie contre la poitrine de sa mère et bercée dans ses bras désincarnés. Des photographies antérieures révèlent que la tête de la mère a été modelée, mais qu’elle a été soit volontairement retirée, soit accidentellement cassée avant le moulage. Dans tous les cas, son absence fait délibérément partie du résultat, à savoir une suggestion fragmentaire de la mère et de l’enfant en fusion comme dans de la lave figée.

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Medardo Rosso. L’invention de la sculpture moderne a été organisée par Elena Filipovic et Heike Eipeldauer, d'après un concept de Heike Eipeldauer et produite en coopération avec le mumok - Museum moderner Kunst Stiftung Ludwig Wien.

Scénographie: Büro Meyer-Grohbruegge

Événements pour cette exposition

ven 28 mars

VERNISSAGE

HAUPTBAU
18:00–20:00

Vernissages pour enfants « Medardo Rosso. L’invention de la sculpture moderne »

Dans cette vernissage pour enfants, nous nous inspirons des sculptures de l'artiste Medardo Rosso. Âge : 4–12 ans. Participation gratuite. En collaboration avec Freunde des Kunstmuseums Basel.

 

VERNISSAGE

NEUBAU
18:30–21:00

Vernissage: « Medardo Rosso. L’invention de la sculpture moderne »

Vous êtes invité à la vernissage de l'exposition « Medardo Rosso. L’invention de la sculpture moderne ». Participation gratuite

sam 29 mars

VISITE GUIDÉE

NEUBAU
14:00–15:00

Kuratorinnenführung in der Ausstellung «Medardo Rosso. Die Erfindung der modernen Skulptur»

En allemand. Mit der Kuratorin Heike Eipeldauer. Kosten: Eintritt + CHF 7

mer 2 avr

VISITE GUIDÉE

NEUBAU
18:30–19:30

Guided curator's tour of the exhibition "Medardo Rosso. Inventing Modern Sculpture"

En anglais. With the curator Elena Filipovic. Cost: Entry + CHF 7

jeu 3 avr

VISITE GUIDÉE

NEUBAU
16:30–18:00

Lehrer:innen Einführung zur Sonderausstellung «Medardo Rosso. Die Erfindung der modernen Skulptur»

Ein dialogischer Ausstellungsrundgang mit pädagogischem Fokus.

En allemand. Ein dialogischer Ausstellungsrundgang mit pädagogischem Fokus. Wir bieten regelmässig Einführungen zu unseren Sonderausstellungen an, um Anknüpfungspunkte zu Lehrinhalten aufzuzeigen. Kosten: CHF 15 (inkl. Eintritt)

sam 5 avr

VISITE GUIDÉE

NEUBAU
14:00–15:00

Führung in der Ausstellung «Medardo Rosso. Die Erfindung der modernen Skulptur»

En allemand. Kosten: Eintritt + CHF 7

dim 6 avr

VISITE GUIDÉE

NEUBAU
14:00–15:00

Guided tour of the exhibition "Medardo Rosso. Inventing Modern Sculpture"

En anglais. Costs: Admission + CHF 7

mar 8 avr

VISITE GUIDÉE

NEUBAU
12:30–13:00

Rendez-vous am Mittag: «Medardo Rosso. Die Erfindung der modernen Skulptur»

En allemand. Mit Assistenzkurator:in Len Schaller. Kosten: Eintritt

mer 9 avr

CONVERSATION

NEUBAU
18:15–19:45

Conversation on the occasion of the special exhibition "Medardo Rosso: Inventing Modern Sculpture"

En allemand. Artist Nairy Baghramian in conversation with curator Elena Filipovic. Participation free of charge, ticket required via ticket link

sam 12 avr

VISITE GUIDÉE

NEUBAU
14:00–15:00

Führung in der Ausstellung «Medardo Rosso. Die Erfindung der modernen Skulptur»

En allemand. Kosten: Eintritt + CHF 7

sam 19 avr

VISITE GUIDÉE

NEUBAU
14:00–15:00

Führung in der Ausstellung «Medardo Rosso. Die Erfindung der modernen Skulptur»

En allemand. Kosten: Eintritt + CHF 7

mar 22 avr

VISITE GUIDÉE

HAUPTBAU
12:30–13:00

Rendez-vous am Mittag

Rodin Rosso Rodeo!

En allemand. Wir umrunden ausgewählte Werke zweier Protagonisten, die jeweils auf ihre Art die moderne Skulptur eingeleitet haben. Mit dem Kunstvermittler Andreas Jahn. Kosten: Eintritt

Treffpunkt: Hauptbau, EG Foyer

jeu 24 avr

CONVERSATION

HAUPTBAU
18:15–19:45

Modern Sculpture Through the Camera’s Lens: Medardo Rosso and Max Klinger

Lecture by Prof. Megan R. Luke

En anglais. On the occasion of the special exhibition "Medardo Rosso. The Invention of Modern Sculpture", Prof. Megan R. Luke focuses on the relationship between photography and sculpture in the works of artists Medardo Rosso and Max Klinger. Participation free of charge, ticket required via ticket link

sam 26 avr


13:00–17:00

ACT Performances 2025 - Performance Festival

Performances et projets performatifs nouvellement développés dans le cadre du festival annuel ACT Performance des académies d'art suisses. Participation gratuite

 

VISITE GUIDÉE

NEUBAU
14:00–15:00

Führung in der Ausstellung «Medardo Rosso. Die Erfindung der modernen Skulptur»

En allemand. Kosten: Eintritt + CHF 7

dim 27 avr

VISITE GUIDÉE

NEUBAU
14:00–15:00

Visite guidée de l'exposition « Medardo Rosso. L’invention de la sculpture moderne »

Coût: Entrée + CHF 7

mer 30 avr

VISITE GUIDÉE

NEUBAU
10:15–12:00

Mittwoch-Matinée: «Medardo Rosso. Die Erfindung der modernen Skulptur»

En allemand. Ein Ausstellungsrundgang durch die Sonderausstellung, bei dem wir gemeinsam Rossos Einflüssen auf folgende Künstler:innen-Generationen nachgehen und uns im vergleichenden Sehen üben. Kosten: CHF 10 / bis 16 Jahre: CHF 5. Beschränkte Platzzahl

sam 3 mai

VISITE GUIDÉE

NEUBAU
14:00–15:00

Führung in der Ausstellung «Medardo Rosso. Die Erfindung der modernen Skulptur»

En allemand. Kosten: Eintritt + CHF 7

dim 4 mai

VISITE GUIDÉE

NEUBAU
14:00–15:00

Guided curator's tour of the exhibition "Medardo Rosso. Inventing Modern Sculpture"

En anglais. Costs: Admission + CHF 7

sam 10 mai

VISITE GUIDÉE

NEUBAU
14:00–15:00

Führung in der Ausstellung «Medardo Rosso. Die Erfindung der modernen Skulptur»

En allemand. Kosten: Eintritt + CHF 7

mar 13 mai

VISITE GUIDÉE

NEUBAU
12:30–13:00

Rendez-vous am Mittag: «Medardo Rosso. Die Erfindung der modernen Skultpur»

En allemand. Mit der Assistenzkuratorin Noemi Scherrer. Kosten: Eintritt

sam 17 mai

VISITE GUIDÉE

NEUBAU
14:00–15:00

Führung in der Ausstellung «Medardo Rosso. Die Erfindung der modernen Skulptur»

En allemand. Kosten: Eintritt + CHF 7

mer 21 mai

VISITE GUIDÉE

NEUBAU
18:30–19:30

Kurator:innenführung in der Ausstellung «Medardo Rosso. Die Erfindung der modernen Skulptur»

En allemand. Mit den Assistenzkurator:innen Len Schaller und Noemi Scherrer. Kosten: Eintritt + CHF 7

sam 24 mai

VISITE GUIDÉE

NEUBAU
14:00–15:00

Führung in der Ausstellung «Medardo Rosso. Die Erfindung der modernen Skulptur»

En allemand. Kosten: Eintritt + CHF 7

dim 25 mai

VISITE GUIDÉE

NEUBAU
14:00–15:00

Visite guidée de l'exposition « Medardo Rosso. L’invention de la sculpture moderne »

Kosten: Eintritt + CHF 7

sam 31 mai

VISITE GUIDÉE

NEUBAU
14:00–15:00

Führung in der Ausstellung «Medardo Rosso. Die Erfindung der modernen Skulptur»

En allemand. Kosten: Eintritt + CHF 7

dim 1 juin

VISITE GUIDÉE

NEUBAU
14:00–15:00

Guided tour of the exhibition "Medardo Rosso. Inventing Modern Sculpture"

En anglais. Costs: Admission + CHF 7

sam 7 juin

VISITE GUIDÉE

NEUBAU
14:00–15:00

Führung in der Ausstellung «Medardo Rosso. Die Erfindung der modernen Skulptur»

En allemand. Kosten: Eintritt + CHF 7

mar 10 juin

VISITE GUIDÉE

NEUBAU
12:30–13:00

Rendez-vous am Mittag: «Medardo Rosso. Die Erfindung der modernen Skultpur»

En allemand. Mit der Assistenzkuratorin Noemi Scherrer. Kosten: Eintritt

sam 14 juin

VISITE GUIDÉE

NEUBAU
14:00–15:00

Führung in der Ausstellung «Medardo Rosso. Die Erfindung der modernen Skulptur»

En allemand. Kosten: Eintritt + CHF 7

sam 21 juin

VISITE GUIDÉE

NEUBAU
14:00–15:00

Führung in der Ausstellung «Medardo Rosso. Die Erfindung der modernen Skulptur»

En allemand. Kosten: Eintritt + CHF 7

dim 22 juin

VISITE GUIDÉE

NEUBAU
14:00–15:00

Visite guidée de l'exposition « Medardo Rosso. L’invention de la sculpture moderne »

Coût: Entrée + CHF 7

sam 28 juin

VISITE GUIDÉE

NEUBAU
14:00–15:00

Führung in der Ausstellung «Medardo Rosso. Die Erfindung der modernen Skulptur»

En allemand. Kosten: Eintritt + CHF 7

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