Avec Antigone (2018), le Kunstmuseum Basel | Gegenwart présente, pour la première fois en Suisse, l’œuvre la plus récente et la plus complexe de Tacita Dean. Cette épopée d’une heure exprime l’aptitude de l’artiste britannique-européenne à entremêler subtilement figures mythologiques, histoire personnelle et événements fortuits. Le film analogique constitue le matériau qu’elle tient en estime en raison de ses multiples possibilités de traitement, son aspect brillant et son grain. Cependant, elle maîtrise également à la perfection d’autres techniques comme la photographie, la gravure, le dessin et l’écriture.
Depuis plusieurs décennies, l’idée d’Antigone occupe l’esprit de l’artiste : Antigone est le prénom de sa sœur aînée, mais aussi celui de l’héroïne tragique de la pièce éponyme du dramaturge grec Sophocle. Depuis sa première rencontre avec la matière littéraire, Dean ne cesse de s’interroger sur ce qui survint dans le laps de temps où Œdipe, roi aveugle, erre dans la région déserte aux côtés de sa fille et de sa sœur Antigone.
L’aveuglement constitue le thème central d’Antigone : l’aveuglement artistique – Dean se laisse aussi toujours guider par le hasard et accorde une place à l’imprévisible. L’aveuglement technique : la méthode de masquer le négatif et de l’exposer à plusieurs reprises en termes de temps et de lieu impliquait qu’elle ne voyait sa composition que après le développement de la pellicule dans le labo. Puis l’aveuglement du roi Œdipe qui se crève les yeux en raison du crime qu’il a commis à son insu et qui est banni de la ville de Thèbes. Enfin, l’aveuglement de la nature : une éclipse solaire filmée par Dean au Wyoming constitue le mouvement intérieur d’Antigone. Au cours de cette double projection filmique, les fils thématiques tissent une dramaturgie dont l’unité de lieu, de temps et d’action se fragmente comme à travers un prisme dans un éventail d’images éclatantes.