L’artiste suisse Sophie Taeuber-Arp (1889-1943) est une pionnière de l’abstraction. Dans son œuvre interdisciplinaire, elle gomme les frontières traditionnelles entre l’art et la vie avec une aisance apparente. Le goût pour l’expérimentation des cercles de l’avant-garde zurichoise et parisienne dont elle fait partie ainsi que sa formation et son activité d’enseignante dans le domaine de l’artisanat d’art se mêlent en une abstraction vécue et appliquée au quotidien à travers laquelle elle façonne presque tous les domaines de l’existence. Lors de sa mort accidentelle tragique en 1943, son œuvre comporte non seulement des textiles, coussins et nappes, des travaux de perles, un théâtre de marionnettes et des costumes, mais aussi des peintures murales, du mobilier, de l’architecture, du graphisme, des peintures, des dessins, des sculptures et des reliefs.
Malgré la grande variété de matériaux dont elle fait usage, son langage formel est clair et vivant à la fois : dans le milieu dada zurichois, Taeuber-Arp découvre la danse comme moyen d’expression. Au-delà de cette époque, ce jeu allègre d’équilibre et de mouvement demeure une caractéristique essentielle de son travail et inspire également ses compositions abstraites.
La vaste rétrospective Abstraction vivante que le Kunstmuseum Basel consacre à Sophie Taeuber-Arp en 2021 présente pour la première fois son travail à un public international. Cette exposition voit le jour en coopération avec le Museum of Modern Art de New York et la Tate de Londres. Ainsi, l’artiste dont le visage est familier à bon nombre d’entre nous par sa présence depuis des décennies sur le billet de 50 francs suisses est désormais reconnue comme l’une des grandes figures de l’avant-garde moderne au-delà de l’espace germanophone.
Une passionnante vue d’ensemble révèle l’évolution de son œuvre depuis les débuts dans le domaine des arts appliqués en passant par les projets strasbourgeois ayant trait à l’architecture jusqu’aux peintures abstraites de l’époque parisienne. En 1937, de nombreuses œuvres de Sophie Taeuber-Arp figurent à la Kunsthalle Basel au sein de l’exposition Constructivistes qui aura une portée considérable pour le développement et la diffusion de l’abstraction. Cet événement la lie à Bâle tout comme le fait que d’importants collectionneur.euse.s de son art s’y trouvaient.
L'exposition sera ensuite présentée dans les institutions suivantes :
Tate Modern, London, 15 juillet au 17 octobre 2021
Museum of Modern Art, New York, 21 novembre 2021 au 12 mars 2022
(19.1.1889, Davos – 13.1.1943, Zürich)
Sophie Taeuber-Arp a décidé très tôt de se former aux arts et métiers à Saint-Gall et à Munich, où elle s'est spécialisée dans le design textile et la sculpture sur bois à l'école Debschitz. L'artisanat et les techniques artisanales ont connu à cette époque une nouvelle appréciation en tant que contre-projet à la production industrielle généralisée. En 1914, Taeuber-Arp s'installe à Zurich et se forme à la danse expressive. Avec son futur mari Hans Arp, elle a été active dans le mouvement anti-bourgeois Dada. Elle a participé à un grand nombre d'expositions d'œuvres artistiques. Dans la seconde moitié des années 1920, Taeuber-Arp et son mari ont pris la nationalité française. Elle a passé beaucoup de temps à Strasbourg, où elle a reçu un certain nombre de commandes de décoration intérieure. Au début des années 1930, Taeuber-Arp abandonne son emploi à Zurich et s'installe à Paris. En 1940, Taeuber-Arp et son mari fuient les nationaux-socialistes et se réfugient dans le sud de la France. Ils y ont souffert de la pauvreté et de la malnutrition. En 1943, ils parviennent à s'enfuir à Zurich, où Sophie Taeuber-Arp meurt tragiquement peu après d'un empoisonnement au monoxyde de carbone causé par un poêle mal utilisé. (Photo : Sophie Taeuber-Arp dans le bureau de planification de l'Aubette, Strasbourg 1927, photographe inconnu, Stiftung Arp e.V.)